Quel style pratiqué-je ?
Bien souvent, lorsqu’on demande au pratiquant de Kung-fu/Wushu de parler de ses loisirs, il répondra simplement « Je fais du Kung fu/Wushu ».
Cette réponse qui souvent suffit à l’interlocuteur occidental, lequel rétorquera généralement « Ah, alors il vaut mieux éviter de t’embêter » et pourtant assez vague.
Les deux termes désignent l’art-martial chinois : Wushu signifie « l’art de la Guerre » et Kung-fu pourrait se traduire par « les efforts menés pour accomplir un objectif ».
Concrètement, cela s’apparente à répondre que vous faites du sport, à quelqu’un qui vous demande quelle activité physique vous pratiquez régulièrement.
Or, l’art millénaire du Wushu possède mille et un visages, lesquels ont été dessinés par les fondateurs et leurs successeurs des multiples styles que comporte cette discipline.
Et même si elles partagent une essence commune, chacune de ces différentes branches possède son approche et sa logique de la Voie des arts-martiaux.
Aussi, il serait impossible d’apprendre tous les styles existants, chacun nécessitant un apprentissage s’étendant sur plusieurs années pour être correctement maîtrisé.
Alors comment choisir un style plutôt qu’un autre ? La boxe de la Mante religieuse du Nord vous conviendra-t-elle mieux que son homologue du Sud ? Le Wing chun ou le Hung gar ? Le Tai chi ou la Boxe de Shaolin ?
Afin d’aider le futur pratiquant dans son choix, les Shifus ont (plus ou moins) classé les styles en deux genres de catégories.
La première de ces catégories différencie les genres « Internes » de ceux « Externes ».
La seconde classifie les styles nés au Nord du fleuve Yang-Tseu-Kiang qui coupe plus ou moins le pays en deux, et ceux qui proviennent du Sud de ce cours d’eau.
Voyons ensemble ces différentes catégories.
Les arts internes (Nei jia Quan)
L’adepte de l’art interne se focalise en premier lieu sur l’aspect mental et spirituel, notamment avec le travail de l’énergie (le Chi). Son corps se renforce progressivement et doucement, avec un travail d’enracinement et de gainage, indispensable pour tenir des positions sur une seule jambe.
L’adepte se concentre sur sa respiration et exécute des mouvements souples, avec (selon les styles) une relative lenteur, évitant toute tension musculaire qui bloquerait son souffle et donc le passage de son Chi à travers son corps.
L’art interne, qui est souvent qualifié de doux, convient bien aux personnes âgées et/ou de faible constitution, car sa pratique lente et douce permet de conserver/développer sa souplesse et sa mobilité.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit fermé aux plus jeunes, auxquels il offre la possibilité d’apaiser l’esprit et de développer leur force intérieure.
Parmi les styles internes on pourrait citer le Bagua Zhang, mais le plus populaire est incontestablement la Boxe du faîte suprême, plus connue sous le nom de Tai chi chuan.
Bien qu’il soit parfois enseigné « comme une gymnastique de santé », le Tai chi est un art-martial à part entière, dont les techniques peuvent être appliquées en combat.
Contrairement au Qi Gong qui n’est pas un art-martial, mais bien une routine de santé, dont les mouvements sont inspirés des gestes martiaux, mais servent uniquement au renforcement du physique et du mental.
Les arts externes (Wai Jia Quan)
Par opposition à l’interne, l’art-martial externe, dit « dur », se concentre en premier sur le renforcement du corps, avec un travail de la force, de la rapidité, de l’endurance et de la souplesse.
L’adepte se fortifie avec des exercices de plus en plus intenses qui renforcent son endurance, et à travers lesquels il cherche à développer son explosivité, alliant la vitesse et la force par le biais de la souplesse.
Et tandis que ses muscles se développent, l’adepte prend peu à peu conscience de l’importance de sa respiration et de l’énergie qui circule en lui, le fameux Chi.
Bien souvent, les styles externes sont pratiqués durant la jeunesse et l’âge adulte, tant que le corps est en mesure de supporter la dureté des entraînements.
Toutefois, c’est loin d’être une réalité absolue ! Certains maîtres pratiquent leur art toute leur vie et il n’y a pas d’âge pour débuter une discipline, il suffit d’adapter son entraînement à ses possibilités physiques.
Il existe un florilège de styles externes, en voici quelques uns : le Shaolin Quan, le Chang Quan, le Hung gar, le Wing chun, le Jeet Kune do, la boxe des Hui, etc.
Cette multitude de styles, comme leurs homologues internes, peuvent être classés suivant le vieux proverbe qui dit « Les pieds au Nord, les poings au Sud ».
Les Boxes du Nord
A l’époque où se sont développés les différents styles de Kung-fu, le Nord de la Chine était moins densément peuplé que le Sud.
Ces grands espaces offraient un terrain de jeu quasi-illimité aux cavaliers qui les parcouraient, virevoltant d’une monture à l’autre par des prouesses acrobatiques.
Ceci explique pourquoi les boxes du Nord possèdent des postures larges et privilégient les sauts et les attaques à longues portées, en utilisant majoritairement les coups de pieds.
Les poings ne sont pas délaissés, ils servent à bloquer ou créer une ouverture pour finaliser l’attaque par un coup de pied. Les bras sont utilisés comme balanciers pour renforcer la force d’inertie ou équilibrer la frappe des membres inférieurs.
Le style emblématique du Nord est le Chang Quan, qu’on appelle aussi la Boxe Longue, mais également la Boxe du Nord.
Il est souvent utilisé dans les films pour la qualité de ses sauts et ses acrobaties spectaculaires.
Les Boxes du Sud
Si le Nord de la Chine était constitué de vastes espaces, le Sud était lui couvert de végétation et de villes densément peuplées.
Autant dire que le manque de place se prêtait peu aux sauts et à l’utilisation de gestes amples, et c’est donc tout naturellement que les boxes du Sud ont développé l’utilisation d’une arme à courte portée : le poing.
Aussi, les postures du Sud sont plus compactes que leurs homologues du Nord. Bien que les boxes du Sud utilisent aussi des coups de pieds, ces derniers sont plus rares et visent rarement au-dessus de la ceinture.
Toutefois, le jeu de jambe est primordial dans la boxe du Sud qui, comme dans la Boxe Anglaise, cherche à canaliser la puissance des membres inférieurs pour la transmettre aux membres supérieurs.
Le Nan Quan, autrement appelé la Boxe du Sud, est un regroupement de divers styles sudistes qui met l’accent sur le travail des bras, avec l’utilisation de diverses techniques de mains comme la paume, la griffe du tigre, le bec de la grue, etc.
Toutefois, les styles du Sud les plus connus sont certainement le Hung Gar, popularisé par le héros chinois Wong Fei Hung et le Wing Chun du célèbre Yip Man, le maître du non moins fameux Bruce Lee qu’on ne présente plus.
Conclusion : le Yin et le Yang
Si ces classifications permettent de se faire un avis, elles ne doivent en aucun cas tomber dans une catégorisation stricte.
Car comme disait un de mes professeurs de stage « Il y a de l’externe dans l’interne et de l’interne dans l’externe » et pour ma part, j’ajouterais qu’il y a aussi du Nord ans le Sud et du Sud dans le Nord.
Ainsi, bien que partant de deux points opposés, l’interne et l’externe finissent toujours par se rejoindre dans leur but commun de développer le corps et l’esprit.
Quant aux Boxes du Nord, elles n’excluent pas plus les poings que celles du Sud les pieds, elles en font juste un usage différent.
Bruce Lee, dans son ouvrage « le Tao du Kung fu Chinois », explique que l’erreur souvent commise par les occidentaux est de séparer le symbole Yin et Yang en deux entités distinctes. Or, loin de s’opposer, les deux figures se complètent pour ne former qu’une seule entité à considérer dans sa globalité.
Le Petit Dragon ajoute que le point noir dans le Yang et le point blanc dans le Yin sont la pour nous inviter à une juste modération dans nos choix et croyances : « Rien n’est jamais totalement Yang (Blanc) ou totalement Yin (Noir) ».
Au final, aucun style ne surpasse un autre, l’essentiel est de trouver celui qui vous épanouis le plus.
Bonne pratique sur la Voie et prenez soin de vous.
Shifu Mike