Progression, du débutant au maître

Souvent,

je me plais à comparer l’évolution technique du pratiquant d’un art-martial, à celle que connaît tout être humain dans la vie.

On peut effectivement faire un parallèle entre le parcours du débutant qui commence son apprentissage et l’enfant qui grandit.

 

L’enfance du débutant

Lorsque nous étions des enfants (cela commence à remonter loin pour moi), nos parents nous ont inculqué tout le savoir indispensable pour devenir un jour autonomes : apprendre à manger, à être propre, parler, marcher, etc.

On retrouve cette situation pour l’élève débutant qui va devoir intégrer toutes les bases de l’art martial (postures, déplacements, techniques élémentaires).

A ce stade, le débutant est donc très encadré par son professeur, lequel a la responsabilité de lui transmettre correctement les bases indispensables à la poursuite de son apprentissage.

 

L’adolescence du moyen

Période charnière pour atteindre l’âge adulte, l’adolescence confronte le désir d’affirmation de soi et le besoin d’être encadré.

Comme il n’est plus ignorant en la matière, le moyen est vite tenté de remettre en question l’enseignement que lui prodigue son professeur.

Cette remise en question n’est pas un mal, si elle part d’une envie sincère de comprendre et de progresser, et non d’une crise d’orgueil.

Car en effet, après quelques années de pratique (généralement vers la 3ème année), il peut arriver que l’élève imagine ne plus avoir grand-chose à apprendre.

Aussi, plutôt que de sanctionner cette attitude, il conviendrait selon moi d’élargir un peu le cadre de l’enseignement.

Cela se traduit par le fait d’encourager à l’élève à compléter son apprentissage, en lui conseillant des livres, vidéos, films, la participation à des stages, etc.

Ainsi, sans pour autant renier son enseignement, ni cesser de le transmettre, le professeur accompagne son élève dans la recherche de son propre chemin vers la maîtrise de l’art martial.

 

L’avancé, ce jeune adulte

Le stade avancé poursuit ce que l’élève a débuté lorsqu’il était moyen, à savoir la recherche de son style propre.

S’il continue à emmagasiner les connaissances qu’on lui transmet, l’élève avancé porte désormais un regard personnel sur ces dernières.

Il affectionne certains mouvements avec lesquels il est à l’aise et les perfectionne pour en faire sa spécialité, ce qui le démarque des autres élèves sur ce plan.

Disposant à présent d’un bagage technique suffisant, il va commencer à intégrer à son style personnel des techniques qu’il aura apprises par le biais de ses recherches personnelles (stages, vidéos, livres).

Le stade avancé passe par la responsabilisation de l’élève, lequel possède à présent suffisamment de connaissances techniques pour les communiquer.

A présent, son professeur pourra régulièrement lui demander de l’assister, en lui confiant un groupe de débutants ou de moyens.

Cet exercice est très profitable, car c’est expliquant un mouvement (même basique) que l’élève découvrira s’il maîtrise réellement ce dernier ou pas.

C’est généralement à cette étape que peut naître en lui la vocation d’enseigner et de devenir professeur à son tour.

 

La ceinture noire, dans la fleur de l’âge

Loin d’indiquer la fin du parcours, la ceinture noire serait plutôt un renouveau.

Car à présent qu’il a terminé le programme de base prévu par son école, l’élève ceinture noire va devoir poursuivre sa progression par une recherche plus individuelle.

En effet, si jusqu’ici l’élève se contentait de reproduire fidèlement les mouvements qu’on lui enseignait, il va maintenant pouvoir se les approprier.

Cela passe par la réflexion sur de nouveaux usages possibles des techniques connues, par la revisite de certains enchainements et finalement, par la création de ses propres techniques et taolus.

L’éclosion de son individualité martiale entraînera probablement quelques désaccords avec l’enseignement de son professeur, de la même manière que nous ne voyons pas tout exactement du même point de vue que nos parents.

Cependant, il ne faut pas y voir une source de conflit. Bien au contraire, l’élève et son professeur pourront désormais avoir des échanges enrichissants sur les différentes façons d’aborder une technique.

 

Par exemple,

mon maître et moi avons une approche différente du coup de pied retourné (queue du dragon).

Lui intègre un mouvement des bras qui permet de donner de l’élan et favorise ainsi la rotation du buste et la dynamique du coup de pied.

Pour ma part, je ne travaille qu’avec les épaules et les hanches, car selon moi, le mouvement des bras crée un appel qui prévient mon adversaire de mon intention.

 

Enfin, l’élève ceinture noire pourra être amené à remplacer son professeur en cas d’absence de ce dernier, voire lui succéder un jour, à moins qu’il ne décide d’ouvrir sa propre école.

 

Le professeur, le parent

De la même façon que tout le monde ne souhaite pas avoir des enfants, seulement quelques élèves voudront enseigner un jour.

Cela part d’une vocation, il faut posséder l’envie de transmettre, un bon sens de l’organisation, de la patience, de la tolérance et du dévouement.

Devenir professeur, c’est accepter la responsabilité d’accompagner au mieux ses élèves sur le chemin de leur apprentissage aux arts martiaux, en fonction de la motivation et des capacités de chacun.

Comme le fait de devenir parent, ouvrir ou reprendre une école constitue un nouvel apprentissage en soi. Comme les enfants, les élèves vont obliger le professeur à se remettre constamment en question, à être imaginatif et devenir un exemple pour eux, ce qui ne pourra le rendre que meilleur.

Hélas, certains professeurs disent ne transmettre que 90 % de leur art, ce qui leur permet de conserver une certaine suprématie sur leurs élèves.

Pour ma part, je suis totalement opposé à cette idée. Tout ce qui n’est pas enseigné sera perdu un jour. Je pense donc qu’il faut transmettre sans retenue (mais de façon structurée) tout ce que l’on connaît de son art.

Et si mes élèves finissent par me dépasser, alors j’aurai atteint mon objectif, car pour moi, « élève » signifie « la personne qu’on lève au-dessus de soi ».

 

Le maître, l’âge de raison

Rien à voir avec le journal d’une certaine Bridget Jones !

Si  les élèves ne deviendront pas tous des professeurs, encore moins nombreux seront les maîtres !

Car là où le professeur limite son enseignement à son école, le maître va laisser un héritage accessible à tous, pratiquant des arts martiaux ou non.

Cet héritage pourra revêtir bien des visages, que ce soit sous forme de vidéos, de livres, de stages, d’articles dans des magazines, de blogs, par la création d’un nouvel art martial, etc.

Loin de conserver ce qu’il a appris et découvert, après une pratique plus ou moins longue, le maître fait don de cette connaissance à la postérité, contribuant par son apport à forger la longue chaîne de l’art martial.

Bien évidemment, la condition sine qua non est que l’héritage légué soit de qualité pour valoir la peine d’être transmis ! Généralement, il a fait l’objet d’une longue réflexion.

Et là je vous vois imaginer un vieux monsieur barbu ou une vieille femme ridée n’est-ce pas ? Bien évidemment, la maîtrise va souvent de pair avec l’âge…

Et pourtant, le maître le plus célèbre n’avait que 33 ans, lorsqu’il a légué au monde la création d’un nouvel art martial et un ouvrage sur sa méthode de combat.

On le surnommait le petit dragon, mais son vrai nom était Bruce Lee.

Ça vous dit quelque chose ?

Bonne route sur la voie des arts martiaux.

Prenez soin de vous.

Mike

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